Villers-Cotterêts

Il faut attendre le VIe siècle pour qu’il soit fait mention d’une métairie, « une villa » entourée de quelques chaumières attribuée par Clovis à l’un de ses lieutenants. En 632, Dagobert chasse dans la forêt ; il y possède un pied-à-terre puis une résidence royale (le palatium) et l’histoire de la ville se confond bien vite avec celle de son château, tout d’abord simple rendez-vous de chasse.

En 715, année de la mort de Dagobert III, plusieurs guerres civiles eurent lieu ; une bataille sanglante se déroula dans la forêt de Villers-Cotterêts, appelée à l'époque forêt de la Côte, ou Cuice

Au IXe siècle, le château c’est la Malemaison (mauvaise demeure) dont les seigneurs sont des brigands qui pillent et rançonnent les voyageurs osant s’aventurer en forêt. Propriété des seigneurs de Crépy, le château est agrandi et embelli en 1165 par Philippe d’Alsace, comte de Flandre, époux d’Elisabeth, fille de Raoul IV.

En 1214, le Comté de Valois est réuni à la Couronne et la Malemaison devient propriété royale puis, en 1284, Philippe III le Hardi le concède à son fils cadet Charles, qui prend le titre de comte de Valois (et sera à l’origine de la branche royale de Valois). Il fait alors rebâtir et orner le château avec une magnificence et un luxe dont parlèrent avec admiration tous les chroniqueurs du temps.

Les années passent, la guerre de Cent Ans ravage le Valois et le Chastel de Villers-Cotterêts qui restera désert pendant de longues années. Après son accession au trône de France en 1498, Louis XII donne le Valois à son jeune cousin (et futur gendre) François d’Angoulême, à charge pour lui de rétablir le Chastel de Villers-Cotterêts. Mais François n’a pas encore cinq ans et ce n’est qu’en 1506 qu’il viendra pour la première fois chasser avec le roi à Villers-Cotterêts.

Monté sur le trône en 1515, François Ier va faire renaître le duché de Valois qui surpassera son ancienne splendeur. Le roi aime la chasse et le chroniqueur nous dit que « Françoys s’estudia pour le plaisir de la chasse à faire recoustrer, rebastir et accommoder le château de Villers-Cotterêts » (Bergeron – Le Valois Royal).

De 1530 à 1535, le roi lui-même veille à la rapidité des travaux. À cette époque, Villers-Cotterêts n’est encore qu’un village dont la population s’est accrue, pendant la guerre de Cent Ans, des réfugiés de Crépy, Pierrefonds et Vivières. On peut dire sans crainte que la ville actuelle doit son origine à François Ier, car les fréquents voyages de ce roi, avec toute sa suite, amenèrent une foule de marchands, d’aubergistes et d’artisans qui s’établirent près du château dans des maisons élevées le long de la route, et il fallut bien loger et nourrir les ouvriers nombreux, occupés à la construction de l’édifice.

En 1535, le château est terminé. Des réunions fastueuses y sont organisées, des fêtes littéraires, avec Rabelais et Clément Marot.

En août 1539, François Ier y signe une ordonnance restée célèbre sous le nom d’« ordonnance de Villers-Cotterêts ». Ordonnance générale pour la police et la justice, elle comporte 192 articles. Les articles 50 à 54 ordonnent aux curés de tenir registres des baptêmes et des décès et peuvent être considérés comme les prémices de l’état civil.

Mais ce sont surtout les articles 110 et 111 qui ont fait la célébrité de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en imposant la rédaction des actes officiels et notariés en "langue maternelle française" et non plus en latin, acte qui est aujourd'hui considéré fondateur de la primauté et de l'exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique de la France, ce qu'il n'était pas, le français n'étant parlé que par une petite minorité des habitants du royaume et le but étant clairement de rendre les sentences de justice et autres actes notariés intelligibles aux parties.

Henri II succède à son père en 1547 et fait entreprendre au château d’importants travaux dirigés par Philibert Delorme. Des fêtes splendides et galantes marquent l’inauguration des restaurations et nouvelles constructions (dont une orangerie et un amphithéâtre). Diane de Poitiers, la maîtresse du roi, y maintient la « Petite bande des Dames de la Cour » et c’est à cette époque que l’on situe l'origine du fameux dicton « s’amuser comme à Villers-Cotterêts ». Le jeu du lancer de renard y était en effet très en vogue.

Les rois et princes de France feront de fréquents séjours à Villers-Cotterêts, mais le château, mal entretenu, et finalement délaissé, sera, une fois encore, la proie de pillards en 1636, pendant la « Guerre des Mécontents» qui ravage le Valois.

En 1661, Louis XIV donne le duché de Valois en apanage à son frère unique, Philippe de France, duc d’Orléans. Dès lors, la cité va revivre. De grands travaux sont effectués au château, et le parc est aménagé sous la direction d'André Le Nôtre.

Dans le même temps, la ville se développe ; il s’y crée un hôpital de charité, et un collège. La création du bailliage de Villers-Cotterêts, en 1703 donnera encore plus d’importance à la cité, lieu de commerce très fréquenté, ayant un siège de maîtrise des Eaux et Forêts.

Le dépôt de mendicité de la Seine et la maison de retraite François Ier

1789 : La Révolution marque la fin de l’apanage des Orléans et de la gloire du château. Manquant de peu d’être vendu comme bien national, il sera, en 1806, transformé en dépôt de mendicité pour le département de la Seine.

Le château royal est depuis cette date consacré à l'hébergement de Parisiens en difficulté.

Deux dépôts de mendicité ont coexisté pour Paris : la maison de répression de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), et Villers-Cotterêts. Ils accueillent chacun un millier de reclus parisiens. Dans l'Aisne, la vocation disciplinaire de l'établissement s'amenuise au fil du XIXe siècle : à partir des années 1825, le travail en atelier permet au reclus de cumuler un pécule qui peut être dépensé à l'occasion d'une sortie hebdomadaire, le château s'équipe d'une bibliothèque conséquente (ce qui s'est généralisé plus tardivement dans le milieu purement carcéral). Enfin, avec la baisse de la proportion de pensionnaires valides réduite à un cinquième des effectifs en 1871, la vocation de réintégration voulue par le dépôt de mendicité perd de plus en plus de son sens. Dans ses dernières décennies, le dépôt de Villers-Cotterêts héberge des mendiants infirmes : des vieillards et des « incurables ». Le taux de mortalité élevé (10 800 décès pour 23 000 entrées de 1808 à 1877), la hausse de l'âge moyen d'admission et le fait que le coût du cercueil était automatiquement prélevé sur le pécule accumulé par le reclus, contribuent à préfigurer la maison de retraite qui succède au dépôt en 1889. Elle a pour vocation l'hébergement des « vieillards-indigents » de Paris.

Seule maison de retraite gérée par la préfecture de Police, l'établissement de Villers-Cotterêts prend place dans le cadre de la réorganisation des institutions d'assistance parisienne sous la Troisième République : la maison accueille des personnes très pauvres, à partir de 70 ans, sans casier judiciaire et indésirables dans les hospices classiques de l’Assistance publique. Les personnes âgées sans-abri au passé carcéral sont dirigés vers la Maison départementale de Nanterre qui succède au dépôt de Saint-Denis en 1887. Un système d'admission en parallèle permet d'accueillir des personnes dès l'âge de 40 ans qui sont hébergés comme « travailleurs auxiliaires » : en fournissant un travail en contrepartie de l'hébergement, le château ressemble aussi à un asile-ouvroir.

Au début du XXe siècle, la maison de retraite acquiert un certain prestige parmi les établissements médico-sociaux parisiens : elle accueille près de 1 800 pensionnaires et est à la pointe du confort de son époque (chauffage central, électricité, distribution d'eau, réseau d’égouts, premier raccordement téléphonique à Villers-Cotterêts). Récompensée à l'Exposition Universelle de 1900 dans la catégorie des œuvres d'assistance (Groupe XVI, classe 112), elle reçoit en grande pompe la visite du président de la République Félix Faure en 1898, du préfet de police de Paris Louis Lépine en 1909 ainsi que du président du Conseil Raymond Poincaré en 1923. Dans le discours des élites, le détournement d'un palais royal en un établissement social est perçu comme une revanche de la République sur la royauté, à l'image de la salle du jeu de paume construite par Louis Philippe d'Orléans (1725-1785), divisée par des planchers et transformée en dortoirs (futur EHPAD).

Les guerres

L'histoire de la ville, comme celle du château, est aussi liée aux guerres. Dès 1814, des combats furent livrés à proximité par les armées étrangères marchant sur Paris.

La ville fut occupée de longs mois en 1870-71.

La guerre de 1914-1918 a marqué toute la région, ainsi qu’en attestent de nombreux monuments commémoratifs. En 1915, l'armée française investit le château pour y installer un hôpital militaire, les pensionnaires de la maison de retraite sont alors dirigés sur Nanterre. L'offensive allemande de 1918 a particulièrement touché la ville : les murs du château, criblés d'impacts d'obus, témoignent de la violence des bombardements. C’est de la forêt de Villers-Cotterêts que partit la contre-offensive victorieuse du 18 juillet 1918.

De 1940 à 1945, plus de la moitié des maisons furent touchées par des bombardements. Dès mai 1940, le château devient le siège d'une kommandantur. Peu avant l'arrivée des Allemands, une partie des pensionnaires de la maison de retraite est transférée en urgence dans une bourgade du Sud-Ouest, Aiguillon (Lot-et-Garonne). Abandonnés par une administration parisienne en situation de désorganisation complète, dans un contexte de rationnement et de pénurie alimentaire, les archives révèlent que sur les 375 hommes et 95 femmes hébergés dans un château du XVIIIe siècle transformé en entrepôt de tabac, plus de 300 meurent du froid, de la faim, et des maladies. Ils sont enterrés dans des fosses communes, pratique inconnue du dépôt de mendicité ou de la maison de retraite.

L'après-guerres

L'établissement, comme le château, se remettront difficilement des dégâts matériels et humains occasionnés par les guerres. De 1800 pensionnaires en 1913, le château n'en accueille plus que 400 au début des années 1950 et 74 en 2012. Les deux-tiers du monument sont actuellement murés. En 1961, l'établissement est placé sous la tutelle de l’Assistance publique et dépend de 1972 à 2014 du Centre d'action sociale de la Ville de Paris (CASVP) en tant qu'EHPAD « François Ier ». Il s'agit du seul établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) public en France spécialisé dans l'accueil de sans-abri âgés.

Bien qu'ayant participé à défigurer la demeure royale, l'administration parisienne a aussi garanti sa conservation jusqu'à nos jours. Le délabrement actuel du château (classé aux monuments historiques depuis 1997) résulte essentiellement de la suroccupation des locaux au début du siècle ainsi que des dégâts occasionnés par les guerres mondiales.

Dans une revue de la préfecture de Police de 1935 consacrée à la maison de retraite, Renée Caillet résume les liens étroits qui unissent les résidents à la bâtisse : « ainsi survit le château de François Ier, il ne connait plus les fastes et les splendeurs de jadis, mais sa gloire s'est magnifiée parce qu’il héberge une œuvre de bonté et de tendresse, et son charme est d'autant plus pénétrant qu'à la beauté des vieilles pierres s'ajoute toute la poésie du malheur. »

Le 20 mars 2018, le président de la République Emmanuel Macron annonce que la future "Cité de la Francophonie" sera installée dans le château de Villers-Cotterêts. Ce projet, dont l'ouverture d'un "musée de la Francophonie" a été annoncé pour l'horizon 2022, s'inscrit dans sa stratégie internationale de promotion du français à l'étranger