Pierrefonds

Des origines mal connues

Il est difficile de situer la fondation de la ville de Pierrefonds, avant le IIIe siècle. La première véritable mention se trouve dans L’histoire du duché de Valois, rédigée en 1764 par l’abbé Carlier, qui explique que les Romains, afin de faciliter la colonisation et le transport des marchandises et des légions, tracèrent de grandes voies à travers l’immense forêt se situant entre Paris et Laon. L’une d’entre elles, importante, que l’on nomma plus tard « chaussée Brunehaut », fit un détour, qui n’était pas obligatoire, afin de traverser Pierrefonds ; impliquant ainsi que le village devait avoir une certaine importance. L’identification d’un fanum (petit temple agricole), de thermes, de villas à vocation de « ferme » et probablement d’ « ateliers » d’artisans le présente comme un village rural.

Constitution progressive du village

Dès le Xe siècle, des seigneurs de Pierrefonds résident dans ces lieux et voient leur influence s’accroître. C’est en outre grâce à Nivelon Ier, mort peu avant 1072 et auquel on doit la reconstruction de l’église du prieuré dédiée à Saint Sulpice, que le domaine s’agrandit considérablement, qu’il fut érigé en paierie et que son autorité s’étendit de Soissons au Bourget. Commandant le passage entre la Flandre et la Bourgogne, le village menace le pouvoir royal. Philippe Auguste, décida alors, dès 1181, d’en minimiser l’importance, mais confirme sa charte de commune.

L’histoire et le développement du village sont ensuite directement liés à ceux du château. La maison s’éteignit avec la disparition d’Agathe de Pierrefonds, en 1203, veuve de Conon, comte de Soissons, et dernière descendante du fondateur de la lignée. Ses biens avaient été partagés de son vivant. Le château revint alors aux seigneurs de Chérisy. Mais il entre en 1185 ou 1191 dans le patrimoine des Capétiens ; Philippe-Auguste l’ayant acheté en 1185 à Nivelon Ier de Chérisy, évêque de Soissons. Ce dernier abandonna une partie des bâtiments aux religieux de Saint-Sulpice. A partir de 1390, la forteresse est rebâtie par Louis, duc d’Orléans et frère du roi Charles VI, qui la tenait de son père, le roi Charles V et reste la propriété de la famille d’Orléans jusqu’en 1589. Le Duc d’Orléans remplaça ce premier château par celui que nous connaissons mais en déplaçant l’implantation de ce dernier sur le promontoire qui domine la ville actuelle. Pierrefonds est livrée aux Bourguignons après l’assassinat de son possesseur.

Ses occupants incendient le château en 1413, juste avant qu’il ne soit restitué au fils de Louis, le poète Charles d’Orléans. Ce dernier n’aura guère le temps d’en jouir : capturé en 1415, lors de la défaite d’Azincourt, il sera retenu vingt-cinq ans en Angleterre. Pierrefonds restauré, à partir de 1440, entre dans le domaine royal avec l’accession au trône de Louis XII, un Valois-Orléans.

Une place-forte démantelée

Après la mort de son constructeur, et désertée par ses hôtes princiers, la forteresse conserve à demeure une puissante garnison. Puis elle devient un repaire de contestataires du pouvoir royal et de bandes de pillards. Durant les guerres de Religion, en 1589, Pierrefonds est assiégé par la Sainte Ligue, confédération de Catholiques soutenue par les Espagnols, qui s’oppose à l’accession au trône du protestant Henri IV convoitant Pierrefonds, puis repris par les troupes royales. En 1617, l’indiscipline du gouverneur de la place attire sur Pierrefonds les foudres royales et le château est bombardé et démantelé sur ordre de Louis XIII par Richelieu, en 1618. A contrario, la vie, en 1611, continue de se développer. Le village est implanté dans le fond des vallons là où se croisent les voies de communication déjà en usage. La présence des marais dans cette zone ne rendant pas la vie des habitants très facile et très agréable. La vie s’écoule alors sans fait marquant si ce n’est l’agrandissement de l’église Saint Sulpice. Le village fut totalement détruit en 1618 ; les habitants ayant fui les ravages du dernier conflit. Dès lors, seules de mélancoliques vestiges subsistent, pillés par les habitants du village qui se servent de ses pierres pour réédifier leurs maisons.

Renaissance d’un château

Les ruines de Pierrefonds sont vendues comme bien national à la Révolution, puis rachetées par Napoléon Ier, en 1811. Elles servent de cadre à un banquet donné par Louis-Philippe en 1832, à l’occasion des noces de sa fille Louise avec le roi des Belges, Léopold Ier. Sortant peu à peu de l’oubli, grâce à la mode romantique qui exalte la poésie des ruines, Pierrefonds est classé monument historique en 1862. La reconstruction ne débute qu’en 1857 : il faut attendre l’accession au trône de Napoléon III, qui affectionne particulièrement le séjour voisin de Compiègne, pour que le château renaisse. Les habitués de la cour impériale, qui se réunissaient l’automne à Compiègne autour de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, accompagnaient souvent leurs hôtes jusqu’à Pierrefonds. L’empereur, séduit par le lieu, en confie la reconstruction à l’architecte Viollet-le-Duc qui en fait un chef-d’œuvre de pierre de style médiéval réinterprété à la mode du XIXe siècle tranchant sur la masse sombre d’une giboyeuse forêt du Valois, non loin de Compiègne.

Un nouveau destin

D’abord désigné en 1858 pour effectuer une restauration partielle, Viollet-le-Duc se voit confier en 1862 la reconstruction totale du château, qui doit devenir résidence impériale. Grâce aux sommes considérables directement puisées dans la cassette de l’empereur, l’architecte a tout le loisir d’appliquer sur ce chantier sa conception d’un Moyen Age réinventé, où le vraisemblable l’emporte sans complexe sur la vérité historique. Puisant son inspiration dans les miniatures extraites des Très Riches Heures du duc de Berry, il respecte certes le plan d’origine de Pierrefonds, un quadrilatère irrégulier flanqué de huit grosses tours d’angle, mais il n’hésite pas à ajouter des éléments qui n’ont jamais existé, multipliant les mâchicoulis, courtines châtelets et ponts-levis, hérissant les tours Charlemagne et Jules César de hautes cheminées crénelées ou créant de toutes pièces, du côté de la façade que domine un plateau, un profond fossé qui accentuera l’aspect défensif de la forteresse.

La restauration, déjà bien avancée en 1866, année où le couple impérial inaugure la salle des Preuses, connait un brutal coup d’arrêt avec la chute de l’Empire en 1870. Il faudra toute l’obstination de Viollet-le-Duc pour que les travaux reprennent en 1873, désormais financés par l’Etat. L’aménagement des appartements est abandonné. Aujourd’hui, il ne reste donc du projet initial que la suite destinée à l’empereur et à l’impératrice, la salle des Preuses et la Salle des Gardes. Après la mort de Viollet-le-Duc, survenue en 1879, son gendre Maurice Ouradou reprend la direction du chantier, achevé en 1885.

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