Mont-Saint-Eloi

La ville de Montreuil est citée pour la première fois dans les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast. La ville, déjà fortifiée, devrait son nom à un « petit monastère » que l’on appelle “monasterolium”.

L'archéologue situe la date des premiers établissements humains à Mont St Eloi à plusieurs milliers d'années avant notre ère. Dès la préhistoire, l'homme devait habiter ces lieux ; on a découvert un très abondant matériel lithique qui nous révèle ce que devait être sa vie très rustre dans notre région. A l'ère historique, on retrouve des traces de son existence et de ses passages, grâces aux poteries et aux bijoux qu'il a laissés nombreux dans ses sépultures.

Sous l'occupation romaine, Mont St Eloi qui n'était encore que Mont Alban (du latin albus : blanc : le mont où affleure la craie), formait déjà sans doute une localité de moyenne importance dont le rôle était de surveiller les passages sur la grande voie antique Thérouanne-Arras. Puis, à mesure que le christianisme étend son influence à l'Occident, les grands évangélisateurs parcourent notre région, et le destin de la localité va très vite se confondre avec la fonction religieuse qu'elle prend dès les VIIème et VIIème siècles.

La tradition attribue couramment à Saint Eloi la responsabilité de cette vocation religieuse ; en fait, rien n'est plus incertain. Si on ne doit pas mésestimer le rôle important de celui-ci dans l'évangélisation de notre région, on ne peut que constater l'absence totale de documents venant à l'appui de cette hypothèse, et ce serait plutôt dans Saint Vindicien, évêque de Cambrai-Arras et disciple de Saint Eloi, qu'il faudrait rechercher, le fondateur discret du premier établissement religieux du Mont St Eloi. Cette première fondation qui n'était sans doute qu'une simple communauté, dut connaître une assez grande prospérité, puisque plusieurs personnalités locales désirèrent y être enterrées. Elle subsista jusqu'à sa destruction complète par les normands en 881.

Néanmoins, vers 930, après la découverte miraculeuse du tombeau de Saint Vindicien, la vie religieuse réapparaît au Mont St Eloi avec la fondation d'un nouvel établissement religieux que l'évêque Fulbert propose à la garde des reliques du saint. Cette espèce de collégiale était formée de religieux séculiers, qui tout en étant soumis à la règle d'Aix-la-chapelle de 816, n'étaient pas obligés de renoncer à la propriété privée et pouvaient continuer de jouir de revenus personnels. C'est sans doute cette grande souplesse dans la discipline de vie des religieux et peut-être une certaine décadence liturgique imputable à l'époque qui ont poussé l'évêque Lietbert à renoncer à la règle Carolingienne pour introduire en 1068 la règle de Saint Augustin dans l'abbaye. Le programme de cette réforme pouvait se résumer en trois points : vie commune - pauvreté individuelle - obéissance à un abbé. Lietbert n'avait pas que le souci de la discipline, et il voulut, en octroyant une dotation temporelle importante et en renouvelant tous ses occupants, donner à l'abbaye un second départ. Il avait eu raison ; l'abbaye reconquit bientôt son indépendance et sa prospérité.

En 1185, les religieux obtinrent du châtelain de Cambrai, le chevalier de Couchy, la seigneurie de Mont St Eloi. Vers 1209, sous la prélature de Didier, des vignobles furent plantés dans le parc de l'abbaye.

Au XVème siècle, Jean Bullot fit fortifier le monastère et acquit un refuge à Arras pour abriter la communauté en temps de guerre. On possède d'ailleurs une idée très précise de l'importance de l'abbaye au XVIIème siècle grâce aux miniatures qu'avait fait exécuter Charles de Croy vers 1605 et sur lesquelles on voit parfaitement l'enceinte, le moulin de l'abbaye, ses murailles flanquées de tours et son église abbatiale construite au début du XIIIème siècle, le tout formant une espèce de "Mont St Michel Artésien".

La reconstruction de l'abbaye au XVIIIème siècle

C'est autant les dommages consécutifs aux guerres que ceux occasionnés par les intempéries qui poussent les religieux du Mont St ELoi à reconstruire leur abbaye dans la première moitié du XVIIIème siècle. L'abbé Dominique Toursel entama cette grande période de reconstruction et d'aménagement des logis de l'abbaye, en faisant élever dès 1728 le quartier abbatial. Cette vaste construction dans laquelle "rien ne devait manquer tant à la vie qu'à l'agrément", formait un corps de logis séparé, et servait d'habitation à l'abbé. Hélas le fondateur n'eut pas le temps d'en profiter, puisqu’il mourut en 1732 et la crosse passa à Vindicien Roussel, qui poursuivit l'œuvre de son prédécesseur.

En 1737, il fit construire un grand corps de logis, qui devait servir de dortoir aux religieux. En 1742, il compléta cette construction d'un autre corps de bâtiment qui joignant le dortoir au quartier abbatial, permettait aux religieux de se rendre directement et à couvert, aux salles du chapitre. En 1749, il fit percer dans le village l'avenue magnifique qui existe encore, en tant que place, et remplaça l'ancienne porte d'entrée par une autre de style moderne, et dont subsiste encore aujourd'hui le jambage gauche. En 1750, il décida de reconstruire l'église abbatiale qui avait été fortement endommagée par l'ouragan de janvier 1735 et que les réparations n'auraient pas suffi à maintenir en état. En 1751, les travaux commencèrent et en 1753, date de sa mort, la bâtisse s'élevait déjà à la hauteur de plusieurs mètres au-dessus du sol. La construction fut conduite à son terme sous la prélature de Martin Lebvre, qui la fit achever et compléter de deux tours jumelles de style grec, dont on admire encore les ruines aujourd'hui.

Les revenus de l'abbaye

A cette époque, les biens et revenus de l'abbaye étaient considérables. En 1790, les recettes du couvent étaient de 134488 livres 11 sous 1 denier. Les moines possédaient un grand nombre de fermes et de manoirs dans les villages aux alentours. Eux-mêmes, à côté de leurs vastes baâtiments, avaient une ferme qui exploitait plus de 700 mesures de terres.

C'est ce qui explique en partie l'extarordinaire mise à prix du monastère, lorsque celui-ci fut mis en vente comme bien national pendant la révolution française. En effet, 1789 devait mettre fin à cette prospérité, qui avait duré plusieurs siècles. Dès le début de la révolution, la communauté fut dissoute ; elle était alors composée de 22 menbres qui furent contraints de s'éxiler. L'abbé en place, Augustin Laignel, périt victime de la guillotine.

L'abbaye fut vendue le 9 avril 1793 pour la somme exorbitante de 308 500 livres. Devenue ensuite l'objet de la spéculation post-révolutionnaire, elle fut démantelée et ses biens furent dispersés. En 1838, le département acheta les deux tours de l'ancienne église abbatiale et aujourd'hui, bien qu'ayant été encore un peu plus mutilées par les destructions de la première guerre mondiale, elles sont protégées et classées (8 juin 1921). Pointées "comme deux doigts" vers le ciel, elles sont seules maintenant à pouvoir nous rappeler un passé à plus d'un égard prestigieux.

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