Né en 1907 à Tourcoing, petit-fils et fils de médecins de l’hôpital, Claude Huriez fait de brillantes études, décroche le baccalauréat à l’âge de 15 ans, est major de SPCN et de l’externat, interne des hôpitaux à 20 ans. Élève du Professeur Georges Carrière dans le service de Médecine Générale de l’hôpital Saint-Sauveur, à 28 ans il est reçu major au concours d’agrégation de médecine qu’il enseigna durant 8 ans.
Sur la suggestion de Noël Fiessinger qu’il servit dans la 1re armée durant la guerre et qui l’accueillait à l’Hôtel-Dieu, il postule en dermatologie, est nommé professeur de Clinique Dermatologique en 1943. Naïf dans la spécialité, il noue des contacts étroits avec les collègues dermatologues à Saint-Louis et à l’étranger. Son service de 200 lits occupe les combles de l’hôpital Saint-Sauveur et une partie de l’hospice général. Il entreprend la lutte contre les maladies vénériennes, la syphilis pour laquelle bientôt la pénicilline remplace bismuth et arsenic. Mais tous les domaines de la dermatologie, eczémas, psoriasis, ulcères artériels et veineux, tumeurs, dermatoses professionnelles… font l’objet de très conséquentes séries et publications dont il distribue largement les tirés-à-part.
D’une activité débordante, il s’investit dans l’achèvement de la « Cité Hospitalière » dont les travaux entrepris en 1936 avaient été interrompus durant la guerre. Il est nommé en 1948 secrétaire général du comité d’achèvement des travaux dont la direction est confiée à Henri Salengro, frère de l’ancien maire et ministre décédé en 1936, et lui-même chef de la commission des travaux de la ville de Lille. Il visite les hôpitaux européens et américains, bouscule les cabinets ministériels, stimule l’agence local du cabinet d’architectes. En 1953 est ouverte l’Aile Est dont il s’attribue modestement le sous-sol et le rez-de-chaussée, puis en 1958 l’Aile Ouest constituant un ensemble de 1700 lits, le plus grand d’Europe, contigu à la Faculté de Médecine. Il suscite l’orientation de ses collègues médecins hospitalo-universitaires dans les diverses spécialités dont le besoin et la complémentarité en cette période d’après-guerre se font pressants. Il restera longtemps Administrateur puis Vice-Président de la Commission administrative du Centre Hospitalier.
Très investi dans l’enseignement (il avait créé dès 1928 avec Jean Minne des conférences d’internat sur le modèle parisien), très vite motivé par les techniques audiovisuelles, il développe d’impressionnantes séances de formation et de présentation de patients en amphithéâtre (« le cirque ») qui marqueront des générations de médecins. Il est très proche des patients, de ses étudiants (qui l’acclament pour le jubilé de ses quarante années de carrière: c’était en 1968 !), internes et collaborateurs. Il assure des visites mémorables, dimanche matin compris avec l’interne d’astreinte, continue la clientèle privée à domicile. Avec ses élèves François Desmons et Henri Bergoend, il est l’auteur en 1973 pour les éditions Masson d’un précis de dermatologie, réédité en 1978.
Couronnement de sa carrière scientifique, Il décrit en 1968 dans 2 familles une génodysplasie non encore individualisée « la génodermatose scléroatrophiante et kératodermique des extrémités fréquemment dégénérative » (Semaine des Hôpitaux 44: 481-488), connue dans la littérature sous la dénomination éponyme de « Huriez syndrome » (plus de 20 références dans Pub Med). L’affection se caractérise par la triade: sclérodactylie distale, kératodermie palmoplantaire, hypoplasie des ongles. Elle expose dans 15 % des cas à une dégénérescence carcinomateuse à cellules squameuses des tissus cutanés atteints, agressive et rapidement métastatique. Un gène en 4q23 de prédisposition à cette affection a été décrit en 2000, depuis lors identifié comme le gène SMARCAD1 codant pour la formation des dermato-glyphes et impliqué dans la réparation de l’ADN.
Claude Huriez obtient une immense reconnaissance nationale et internationale: dès 1957 il obtient la médaille d’argent de l’Académie Nationale de Médecine, il en est membre correspondant en 1959 puis titulaire en 1972, membre de l’Académie de Médecine Royale de Belgique, de l’Académie de Médecine de Rio-de Janeiro, de très nombreuses sociétés internationales de dermatologie, docteur honoris causa de très nombreuses universités, commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur.
Sur la suggestion d’un de ses élèves le Pr Agache nommé à Besançon, son nom est donné à l’hôpital qu’il avait tant aidé à façonner. A l’image de son attachement à la cause hospitalière, ses funérailles sont célébrées en 1984 lors d’une simple et émouvante cérémonie dans la chapelle tout en haut de la Cité Hospitalière.